- MACÉDOINE (RÉPUBLIQUE DE)
- MACÉDOINE (RÉPUBLIQUE DE)MACÉDOINE RÉPUBLIQUE DELa Macédoine géographique n’a jamais constitué dans l’histoire une entité étatique spécifique. D’ailleurs, sa définition territoriale ne date que du congrès de Berlin (1878) qui la délimite au nord par le massif de la Šar Planina, à l’est par le Pirin, au sud par l’Olympe et à l’ouest par les lacs d’Ohrid et de Prespa. Cette région est habitée par différents peuples: Slaves, Grecs, Turcs, Albanais, Juifs, Valaques et Tziganes.Intégrée à l’Empire ottoman dès la fin du XIVe siècle, la Macédoine perd son autonomie religieuse en 1767 avec l’abolition de l’archevêché d’Ohrid à la suite des pressions du patriarcat grec de Constantinople, qui voit d’un mauvais œil la concurrence de l’orthodoxie slave. Pour retrouver un peu d’autonomie, des Macédoniens créent une Église uniate liée au Vatican en 1859.Dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec le réveil des nationalités dans les Balkans, la conscience macédonienne commence à se développer. Elle est, dès le départ, divisée en deux courants. La branche majoritaire, jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, milite pour une grande Bulgarie. Les minoritaires, développant le thème de la spécificité macédonienne, refusent la mainmise du «grand frère» bulgare et luttent pour une grande Macédoine unifiée.En 1876, peu avant la guerre russo-turque (1877-1878), la première insurrection macédonienne antiottomane a lieu à Razlovci. Après la défaite ottomane de 1878, la Russie impose, lors du traité de San Stefano le 3 mars 1878, la création d’une grande Bulgarie incluant la majeure partie de la Macédoine géographique. Mais, peu après, l’Angleterre, inquiète de l’expansion russe dans les Balkans et dans le Caucase, impose une révision de San Stefano lors du congrès de Berlin (juin-juillet 1878). La Macédoine retourne dans le giron ottoman, ce qui est la cause de l’insurrection de Kresna en 1878-1879.Alors que le sultan ottoman Abdul-Hamid II refuse d’appliquer les réformes destinées à améliorer le statut des chrétiens (Macédoniens et Arméniens), cinq révolutionnaires macédoniens fondent le 23 octobre 1893 à Salonique l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (O.R.I.M.): Damian Gruev, Petar Paparsov, Hristo Batan face="EU Caron" ゼiev, Andon Dimitrov et Ivan Had face="EU Caron" ゼinikolov. Les fondateurs de l’O.R.I.M. se fixent pour objectif l’autonomie de la Macédoine. Dès 1896, l’O.R.I.M. couvre la Macédoine d’un réseau de comités révolutionnaires dont les membres vont prendre le nom de comitadjis. Parallèlement, les Macédoniens de Bulgarie s’organisent, soutenus par le jeune royaume bulgare. Ils font passer armes et volontaires en Macédoine ottomane, «bulgarisant» ainsi la lutte macédonienne.À partir du printemps de 1895, l’O.R.I.M. organise à chaque printemps des insurrections locales et, à partir de 1897, enlève des Occidentaux. Cette dérive terroriste se traduit aussi par l’assassinat de commerçants grecs et valaques dès 1899. En 1902, l’O.R.I.M. rompt avec les Bulgares, qui poussent à la révolte des populations impréparées.En avril 1903, les anarchistes macédoniens du groupe des Bateliers organisent une série d’attentats à Salonique, faisant une centaine de victimes. Finalement, le 2 août 1903, l’O.R.I.M. lance l’insurrection d’Ilinden (Saint-Élie) dans la vilayet de Bitola (Monastir), proclamant le lendemain la république de Krouchevo, véritable acte de naissance du nationalisme macédonien indépendant. Une douzaine de jours plus tard, la révolte est noyée dans le sang par les troupes ottomanes.Désormais, la question macédonienne s’internationalise. Les puissances (Russie, Autriche-Hongrie) obligent le Sultan à signer les accords de Mürzsteg le 25 novembre 1903. Une administration internationale double l’administration turque jusqu’en 1908, alors que les comitadjis se heurtent désormais aux bandes armées grecques qui revendiquent le rattachement de la Macédoine au royaume de Grèce. Par ailleurs, dès 1906, les deux factions de l’O.R.I.M. (l’une bulgarophile, l’autre grand-macédonienne) s’affrontent et les attentats se multiplient en Bulgarie même.Avec la révolution jeune-turque (1908), les combats s’arrêtent et la Macédoine envoie quatre députés au Parlement d’Istanbul. Mais l’année suivante, les nouvelles autorités turques interdisent toutes les organisations macédoniennes.C’est finalement l’alliance antiturque des royaumes de Grèce, de Bulgarie et de Serbie qui va sceller le sort de la Macédoine. Après les deux guerres balkaniques (octobre 1912-août 1913), la Macédoine est partagée au traité de Bucarest, le 10 août 1913: 51 p. 100 du territoire reviennent à la Grèce (l’Égéenne), 38 p. 100 à la Serbie (Macédoine du Vardar), 10 p. 100 à la Bulgarie (Macédoine du Pirin) et 1 p. 100 à l’Albanie. Les populations slaves macédoniennes sont alors hellénisées, serbisées et bulgarisées alors que les allogènes sont renvoyés dans leurs «mères patries».Profitant de la Première Guerre mondiale, les armées bulgares pénètrent, en octobre 1915, dans les Macédoines égéenne et du Vardar, d’où elles sont chassées en septembre 1918. À partir de ce moment, la Macédoine du Vardar, correspondant à l’actuelle république de Macédoine (25 713 km2) sera totalement associée à l’histoire de la Yougoslavie. En mai 1941, elle est démembrée au profit de la Bulgarie et de l’Albanie, deux alliés de l’Axe.En novembre 1943, les partisans de Tito posent le principe d’une Yougoslavie fédérale dont les Macédoniens seraient un des peuples constitutifs. Le 2 août 1944, les partisans macédoniens titistes réunissent la première session du Conseil antifasciste de libération nationale de Macédoine, acte fondateur de la république de Macédoine. Ce conseil se transforme en Assemblée nationale en avril 1945, et, un mois plus tard, l’alphabet macédonien est adapté du cyrillique dans une variante proche du serbe pour mieux se différencier de la Bulgarie.Aux frontières méridionales de la jeune République socialiste fédérée de Macédoine, la guerre civile grecque éclate en 1946. Parmi les troupes rebelles communistes se trouvent de nombreux membres de la minorité slavo-macédonienne de Grèce. Jusqu’en 1949, les maquis communistes vont recevoir l’aide de Skopje et de Belgrade. Après la défaite du Parti communiste grec, les Slavo-Macédoniens grecs se réfugient en Macédoine et fondent le puissant lobby des «Égéens».Chemin faisant, la Macédoine se dote des attributs de sa spécificité nationale. En octobre 1958, l’archevêché d’Ohrid est rétabli, et en juillet 1967, l’Église macédonienne proclame son autocéphalie. Dans le domaine culturel, on assiste à la création de l’université de Skopje en avril 1949, de l’Académie des arts et des sciences en février 1967 et de l’université de Bitola en mars 1979.Le 26 juillet 1963, un violent séisme détruit Skopje. La Macédoine reçoit alors une aide internationale et fédérale lui permettant de sortir de son sous-développement.À partir de 1989, la république de Macédoine doit faire face à la décomposition de la Yougoslavie. Une fragile démocratisation a permis au cours des deux années précédant la disparition de la Fédération l’apparition de partis politiques: Action macédonienne et reconstitution de l’O.R.I.M. pour les nationalistes; Parti de la prospérité démocratique (P.Pr.D.) et Parti populaire démocratique (P.P.D.) pour la minorité albanaise; et division de l’ancienne Ligue des communistes de Macédoine en trois formations assez proches (Alliance sociale démocrate de Macédoine, A.S.D.M.; Parti libéral, P.L.; et Parti socialiste de Macédoine, P.S.M.). Comme dans les autres républiques de Yougoslavie, la Macédoine organise ses premières élections libres en novembre-décembre 1990. L’O.R.I.M. obtient le groupe parlementaire le plus important, mais ne peut s’opposer à la coalition des trois partis ex-communistes soutenus par les deux partis albanais. Le Parlement élit Kiro Gligorov à la présidence de la République en janvier 1991. Proche de Tito, apparatchik ayant fait toute sa carrière à Belgrade, Gligorov a tout tenté, en 1991, avec le président bosniaque Alija Izetbegovi が, pour sauver la Fédération yougoslave.Pour la première fois de son histoire, la Macédoine du Vardar accède à l’indépendance, mais dans un contexte particulièrement défavorable. Après le référendum du 8 septembre 1991, le Parlement adopte le 17 novembre suivant la nouvelle Constitution, qui proclame l’indépendance et la souveraineté du pays. Alors que la guerre fait rage en Croatie et se rapproche de la Bosnie, le président Gligorov obtient sans heurt le départ de l’armée fédérale durant l’hiver 1991-1992.Contrairement aux autres républiques de l’ex-Yougoslavie, la Macédoine aura du mal à obtenir sa reconnaissance internationale malgré l’avis favorable de la commission Badinter (commission d’arbitrage sur la reconnaissance des républiques de l’ex-Yougoslavie) en janvier 1992. La Grèce s’oppose à sa reconnaissance, car elle craint des visées irrédentistes de la Macédoine: affaire du drapeau (la Macédoine a utilisé dans un premier temps le soleil de Vergina, emblème de la dynastie macédonienne antique), du nom (la Grèce estime que le terme Macédoine ne s’applique qu’à sa province du Nord) et de deux articles de la Constitution faisant référence à la Grande Macédoine. Skopje doit donc attendre le 8 avril 1993 pour être admise à l’O.N.U. sous le nom de F.Y.R.O.M. (Former Yugoslav Republic of Macedonia). Athènes ne renonce pas et décrète unilatéralement le blocus de la Macédoine le 16 février 1994. Mais, isolée diplomatiquement, la Grèce accepte de lever l’embargo en octobre 1995 à la condition que Skopje change de drapeau. Cette difficile reconnaissance a pénalisé la Macédoine en la tenant à l’écart des organismes politiques et économiques internationaux; ce fait, lié au blocus, a favorisé l’émergence d’une économie «grise», voire mafieuse.Outre les dangers extérieurs qui ont conduit les États-Unis à envoyer des casques bleus américains en Macédoine dès juillet 1993, c’est le problème de la minorité albanaise qui risque de déstabiliser le pays de l’intérieur.Les recensements de 1991 et 1994 comptabilisent 23 p. 100 d’Albanais pour 66 p. 100 de Macédoniens (les autres minorités sont par ordre d’importance les Turcs, les Tsiganes, les Serbes et les Valaques). Mais les Albanais contestent ces résultats et, forts de dizaines de milliers d’Albanais du Kosovo vivant plus ou moins illégalement en Macédoine, ils déclarent représenter 40 p. 100 de la population et revendiquent la moitié du pouvoir. Dès janvier 1992, ils organisent un référendum unilatéral en Macédoine occidentale, où ils sont largement majoritaires pour demander leur autonomie politique et territoriale. Les premiers affrontements interethniques font quatre morts à Skopje en novembre 1992. Par ailleurs, en décembre 1993, les extrémistes sécessionnistes tentent, en vain, avec l’aide de Tirana de prendre le contrôle du P.Pr.D. Devant leur échec, ils fondent l’année suivante le P.P.D.A.M. (Parti pour la prospérité démocratique des Albanais de Macédoine) qui, grâce à des financements occultes, renforce sa présence localement au point de faire jeu égal avec les modérés lors des élections municipales de novembre-décembre 1996. En février 1995, les Albanais inaugurent une université libre dans leur fief de Tetovo. L’arrestation des dirigeants de cette université sauvage entraîne de violentes manifestations au printemps de 1995 et à l’été de 1996. En janvier 1997, pour contrer cette opposition, le pouvoir macédonien, qui autorise depuis longtemps l’enseignement en albanais dans le primaire et le secondaire, l’élargit à l’école normale d’instituteurs. Cette fois, ce sont les étudiants macédoniens qui, en février 1997, manifestent quotidiennement dans Skopje, pour dénoncer la part trop belle faite aux Albanais. Ainsi, dès 1996, la rupture entre les deux communautés est consommée, et les troubles en Albanie au début de 1997 font courir de sérieux risques à l’intégrité de la république de Macédoine.Comme dans l’ensemble des Balkans, la démocratisation ne s’opère pas sans difficultés en Macédoine. La coalition au pouvoir garde ses réflexes communistes, freine la liberté de la presse et utilise les privatisations à son propre bénéfice. Si à l’issue de l’élection présidentielle d’octobre 1994, Kiro Gligorov est réélu sans aucune contestation possible, il n’en est pas de même lors des législatives qui ont lieu en même temps. L’opposition fait état de fraudes et boycotte le second tour; elle est donc absente du Parlement et tente de prendre sa revanche par des moyens extraparlementaires.À l’automne de 1995, les accords de paix en Bosnie et la reprise de relations normales avec la Serbie et la Grèce mettent en danger tous les groupes qui s’étaient enrichis grâce à l’embargo contre Belgrade, à la guerre en Bosnie et au blocus grec. D’autant que le président Gligorov, fort de la normalisation revenue, avait prévu un grand nettoyage dans le monde économico-politique. Le 3 octobre, il est grièvement blessé dans un attentat en plein centre de Skopje. Sa robuste constitution lui permet de reprendre ses fonctions dès janvier 1996. Mais sa succession est ouverte (il a soixante-dix-huit ans). En février 1996, les prétendants quadragénaires qui l’entourent se livrent une sourde bataille. C’est le P.L. qui en fait les frais en étant débarqué du gouvernement le 10 février 1996.Aux élections municipales de novembre-décembre 1996, l’ensemble des partis au pouvoir subit une forte baisse d’influence. Si l’A.S.D.M. et le P.S.M. se maintiennent difficilement, le P.L. est laminé et les modérés albanais sont doublés par les extrémistes. En revanche, l’O.R.I.M. revient en force dans le jeu politique.Après plus de cinq ans d’indépendance, la république de Macédoine reste fragile dans un contexte balkanique explosif.
Encyclopédie Universelle. 2012.